Comment la perma-industrie peut aider à construire une marque de mode durable ?

En juillet dernier j’ai assisté à une conférence sur la perma-industrie lors des Fashion Green Day donné par Eric Boel directeur de l’entreprise “Les tissages de Charlieu”.

Cette intervention m’a profondément touchée par la justesse de sa vision du monde du travail de demain. J’ai donc eu envie de vous montrer dans cet article comment la perma-industrie peut aider à construire une marque de mode plus durable et porteuse de sens.

Qu’est-ce que la perma-industrie ?

Définition et origines de la perma-industrie

La perma-industrie est un concept inventé par Erico Boel directeur de l’usine “Les tissages de Charlieu”, spécialisée dans la fabrication de tissu jacquard, ainsi que de Thomas Huriez, créateur de la marque 1083 qui a collaboré avec l’usine pour créer le tissu des jeans pour sa marque.

1083 est une marque de jean créée en 2013. La mission que s’est donnée Thomas : sortir de la surconsommation et de la désindustrialisation en France en valorisant les circuits courts et l’économie circulaire. 1083 représente les kilomètres entre Menton et Porspoder, les deux villes les plus éloignées en France métropolitaine. Il joue ainsi avec une symbolique forte, puisque l’objectif est de réussir à produire un jean en parcourant seulement 1083km, contrairement à l’industrie classique qui fait parcourir des milliers de km à nos jeans !

Pour concevoir la matière de ses premiers jeans, il fait donc appel aux tissages de charlieu, spécialiste des tissus unis et jacquard. Le tissage est une technique de fabrication d’un textile qui consiste à croiser des fils de manière verticale et horizontale. Au sein de cette catégorie, qu’on peut aussi appeler le chaîne et trame, il existe différents types de textile comme l’armure sergé qui sert à faire la toile de nos jeans.

À travers cette collaboration, les deux hommes ont su développer une vraie relation entre l’industrie et la marque. Ils ont alors eu envie de créer quelque chose de nouveau : changer les codes de l’industrie textile française.

Schéma tissage

Pour concevoir la matière de ses premiers jeans, il fait donc appel aux tissages de charlieu, spécialiste des tissus unis et jacquard. Le tissage est une technique de fabrication d’un textile qui consiste à croiser des fils de manière verticale et horizontale. Au sein de cette catégorie, qu’on peut aussi appeler le chaîne et trame, il existe différents types de textile comme l’armure sergé qui sert à faire la toile de nos jeans.

L’analogie entre perma-industrie et permaculture

Suite à leurs différents échanges, ils ont ressenti le besoin de trouver un nouveau mot pour qualifier cette vision neuve de l’industrie : la perma-industrie.

Ce néologisme est né de l’analogie entre l’industrie et la permaculture. Elle désigne une vision de l’agriculture qui se base sur l’observation précise des écosystèmes et des cycles de vie pour les imiter et ainsi créer une culture durable.

En ce sens, “perma” représente l’idée d’une industrie qui doit se calquer sur les cycles de vie de la nature, où rien ne se perd, et où tout se transforme. Ce cercle vertueux s’appelle également l’écoconception. L’objectif est de penser à toutes les chaînes de fabrication du vêtement et aux êtres qui le fabriquent.

La perma-industrie a donc pour but de créer quelque chose de plus conscient et raisonné, de redonner une âme et du sens à l’industrie.

C’est finalement une vraie réflexion philosophique sur la façon de concevoir notre monde et notre industrie pour sortir de la mondialisation, responsable d’un système insensé et inhumain. La perma-industrie a donc pour but d’aller vers la décroissance, et de remettre l’humain au cœur de notre production.

usine filature lin

Pourquoi faire de la perma-industrie ?

La perma-industrie pour motiver et donner du sens au travail

Le problème de notre industrie actuelle est que le moteur ne vient plus de l’homme. On fabrique pour fabriquer, sans sens profond. Comme dit Eric Boel, c’est comme si une voiture tournait toute seule, sans pilote.

C’est là que la perma-industrie intervient en changeant de paradigme. Une industrie embauche des êtres humains et doit donc être un support pour leur épanouissement, et non les considérer seulement comme des outils au service de l’entreprise. C’est l’entreprise qui est au service de l’humain et pas l’inverse.

Il faut que vos employés aient envie de se lever le matin ! L’entreprise s’engage à donner envie à ses employés de travailler, en veillant à leur épanouissement personnel, et à ce qu’ils aient le sentiment de grandir et d’évoluer.

Pour permettre cela, il faut basculer d’une hiérarchie verticale à horizontale, où l’entraide est de mise. Le patron n’est pas le seul donneur d’ordres, mais chacun peut à son échelle proposer des projets pour l’entreprise. Le patron développe ainsi une vraie confiance avec ses employés, où ils ne sont plus dans la pure exécution, mais dans le partage et l’entraide.

Contribuer à un monde plus responsable

Le deuxième bénéfice de la perma-industrie est de s’engager au niveau écologique et humain.

Engagement écologique 

L’industrie textile est un désastre écologique, pour 410 millions de vêtements achetés seulement 30% sont portés d’après le livre Fashion de Catherine Dauriac.

La perma-industrie prône le fait qu’il faut arrêter de prendre sans donner en retour au monde. Il est urgent que notre industrie s’engage écologiquement. La pensée industrielle passéiste est issue d’un discours Cartésien qui voudrait que nous soyons “comme maîtres et possesseurs de la nature.”, sauf qu’il est évident aujourd’hui que la planète ne nous appartient pas et qu’elle peut très bien vivre sans nous.

Catherine Dauriac, activiste du collectif “Fashion Revolution”, le rappelle régulièrement : “Dans chaque vêtement produit, il y a du désastre environnemental, sanitaire, humain… or rien ni personne ne devrait souffrir pour la mode”.

étiquette bilan énergétique

Engagement social 

Le deuxième engagement essentiel dans la perma-industrie est social.

D’après une étude de la Fondation Ellen McArthur les ouvrières du textile gagnent en moyenne 5 dollars pour 12 heures de travail essentiellement en Asie. Les industriels ont le devoir de payer correctement leurs ouvriers et de veiller à leur bien-être au travail. Il n’y a pas que les marques qui doivent être éthiques, les industriels aussi doivent s’engager.

Comme le dit Eric Boel “Tissons ensemble de jolis liens”. Il est essentiel d’apprendre à se respecter les uns les autres au sein de l’entreprise, mais aussi entre les entreprises.

Et Thomas Huriez l’a bien compris, puisqu’en septembre 2018, il aide le directeur de Valrupt Industrie à sortir d’un redressement judiciaire. Thomas propose un projet de reprise qui sauve une grosse partie des employés. Depuis septembre 2018, l’ex tisseur Valrupt Industrie s’appelle maintenant Tissage de France, et a permis de sauvegarder près de 40 emplois.

Avoir un engagement social, c’est avant tout reconnaître les savoir-faire et le génie créatif humain. L’être humain n’est pas une machine ! Eric Boel nous rappelle ainsi que nous devons être fiers de fabriquer des vêtements dans notre pays avec des conditions de travail respectueuses.

main dans la main

Le retour sur investissement de la perma-industrie

Et ce qu’il y a de beau avec cette démarche, c’est que même si on n’attend rien en retour et qu’on le fait avec le cœur, on récolte quand même le fruit de sa bonne action.

La perma-industrie permet de créer un vrai écosystème, où chacun donne et reçoit en retour. C’est ce qu’on appelle aussi dans le jargon la RSE. La responsabilité sociétale des entreprises représente tous les engagements pris par une entreprise en termes d’environnement, de social et d’éthique.

Les entreprises qui ont une politique RSE sont en moyenne 13% plus performantes que les autres d’après une étude de France stratégie.

Par exemple, la marque Volswagen a perdu 30% de capitalisation boursière suite à un scandale environnemental. Si elle avait mis en place une politique RSE, elle aurait certainement évité ce scandale et aurait pu protéger son entreprise.

De plus, si tu cherches des investisseurs qui ont le label ISR (l’investissement socialement responsable) pour ta marque de mode, tu auras beaucoup plus de chance d’être choisi si tu as déjà mis en place une politique RSE. Miser sur des investissements responsables, c’est clairement la nouvelle norme de demain !

Mais concrètement, comment on peut devenir une perma-industrie ?

Comment faire de la perma-industrie ?

Se former, être en évolution constante

Le meilleur moyen d’appliquer la démarche de perma-industie est de se former soit et ses employés. En permettant la montée en compétences de ses employés via des formations, on leur permet d’agir à leur échelle.

La marque Hermès a par exemple créé sa propre école autour du savoir-faire du cuir pour être certaine de continuer à fabriquer des sacs d’exception.

Un autre organisme qui a bien compris le pouvoir de la formation, c’est Conscious fashion, à travers différents cours pour les pro de la mode éthique comme l’éco-conception, le sourcing responsable, l’économie circulaire, les labels et certifications…

Quand on vient du milieu de la mode classique et qu’on a transitionné vers une mode durable, on se rend vite compte du besoin urgent d’intégrer les notions d’écoresponsabilité. Lors de mes études, il n’a pas une seule fois été question d’éthique et d’écologie dans la mode, alors que les faits sont là : plus de 12 000 tonnes de pesticides sont par exemple pulvérisées sur les champs de coton d’après la FAO.

Heureusement il existe une école qui a bien compris ces enjeux : Studio Lausie. Pour qu’il y ait plus de marques responsables demain, il est urgent de former des designers qui ont conscience des enjeux mais aussi des solutions à leur portée. C’est une manière totalement différente de travailler en pensant à l’aspect éco-responsable.

Alors toi aussi, si tu veux monter ta marque, tu te dois de te former pour ne pas basculer dans le greenwashing. Avoir une marque éthique c’est prendre la responsabilité de faire les choses bien, et c’est quelque chose que j’aborde dans ma formation Modulab pour les créateurs de marque de mode éthique. Je te guide pas à pas pour que tu lances une marque qui a vraiment du sens, et qui ne reproduira pas les schémas négatifs de la fast-fashion.

JE M’INSCRIS !

Formation Modulab créer sa marque de mode

Trouver une mission et appliquer une stratégie

Une fois que les équipes sont formées, il est essentiel de définir ensemble une mission qui les porte. L’objectif n’est pas juste d’écrire cette mission, mais de définir un plan d’action concret pour la mettre en place et passer à l’action. Pour ça, il est important de prendre le temps de définir sa mission d’entreprise avec ses équipes, puis de se demander avec quel projet on va incarner cette mission.

Dans cette démarche, il est important de penser aussi à la rentabilité du projet. Le but c’est que l’éco-système au global soit stable, et de ne pas créer de déséquilibre. Il peut y avoir certains projets qui sont à but non lucratif et qui servent la mission, mais ça ne doit pas être l’intégralité des actions mises en place par l’entreprise. Sinon on appelle ça une association, ou une ONG. J’ai vu trop de jeunes marques se planter en voyant leur marge à la baisse. Tu ne fais pas du bénévolat, tu dois gagner ta vie.

D’après Eric Boel il existe 3 axes pour garantir la durabilité d’une démarche : économie, social et écologie. Il suffit qu’un des pans s’écroule et la démarche perd tout son sens. Par exemple, créer un produit social et écologique mais qui ne se vend pas finit par ne plus être écologique, car vous aurez produit pour rien.

C’est pour ça que j’ai créé pour toi une mini-formation gratuite qui va te permettre de définir sereinement les prix de ta collection de mode pour ne pas vendre à perte. Faire une marque éthique c’est bien, faire une marque éthique rentable c’est mieux !

Infographie bon produit

JE TÉLÉCHARGE MON CADEAU ! 🎁

Célébrer les réussites !

Une fois que tout le travail a été mis en place, il est temps de célébrer les réussites !

C’est un travail long terme, tu dois donc féliciter et encourager tes équipes à chaque petite victoire. À travers cette démarche, des vrais liens vont se tisser entre les employés, mais aussi avec tes fournisseurs si tu es une plus petite structure.

Il faut arrêter de dire que nous sommes concurrents. Nous sommes unis pour construire le monde de demain ! Ensemble on est plus fort et on avance plus vite !

Et encore une fois Eric Boel l’a très bien compris. Lors du premier confinement lié au covid,  les Tissages de Charlieu stoppent leur activité principale de tissu jacquard et lancent une production de masques. On peut lire sur le site qu’à cette époque, 150 000 masques sortaient quotidiennement de l’usine. C’est donc un vrai exemple de solidarité qu’on a pu voir se mettre en place.

Cet article ne ressemble pas vraiment à ce que j’ai l’habitude de faire, j’avais envie ici de donner un peu d’espoir et d’inspiration pour construire un monde de demain plus authentique et aligné.

Si cela t’a inspiré, je serais ravie d’en discuter avec toi sur Instagram. 👇

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut