Fastfashion, 10 bonnes raisons de lui dire adieu

Jan 4, 2023 | réflexion éthique

L’industrie textile repose aujourd’hui sur un modèle dévastateur, contre lequel je m’oppose en tant que styliste éthique. C’est pour ça que j’ai décider d’accompagner les marques de mode éthique à se lancer, pour qu’on lutte ensemble contre la fastfashion.

Cette manière de produire et de consommer des vêtements à outrance est problématique sur le plan environnemental comme humain.

Quels sont ses impacts et pourquoi faut-il la bannir de nos pratiques de consommation ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.

La fastfashion, qu’est-ce que c’est ?

Fastfashion, définition

La fastfashion, ou « mode rapide » en français, désigne une mode à petit prix, jetable, et proposant des pièces de basse qualité, inspirées des dernières tendances observées sur les podiums des créateurs, mais aseptisées, afin d’être susceptibles de plaire ou plus grand nombre. Elle est portée par les grandes enseignes textiles du commerce.

Le business model de la fastfashion repose avant tout sur :

      • Une chaîne d’approvisionnement resserrée, permettant de renouveler mensuellement, voire hebdomadairement, les collections ;
      • Le recourt à la sous-traitance et l’externalisation des moyens de productions afin d’optimiser la rentabilité ;
      • Des investissements marketing massifs visant à susciter de nouveaux désirs chez les consommateurs et incitant à la surconsommation.

Pourquoi la fastfashion séduit les marques et leurs clients

La fastfashion séduit les marques pour des raisons économiques évidentes :

  • Une production à bas coût(main d’œuvre bon marché, matières premières bas de gamme) ;
  • Des économies d’échelle générées par une production de masse (réduction des coûts de production unitaires permise par une augmentation de la quantité produite et des coûts fixes devenant proportionnellement moins élevés dans le coût total).

Pour les consommateurs, c’est l’assurance de pouvoir satisfaire son insatiable désir de se procurer de nouvelles pièces textiles pour compléter ou renouveler sa garde-robe, et ce à des prix toujours plus bas.

usine filature lin

L’alternative de la slowfashion

À contre-courant de la fastfashion, une nouvelle mouvance a vu le jour ces dernières années pour répondre aux défis sociaux et environnementaux posés par l’industrie textile : la slowfashion.

La slowfashion se définit comme une alternative éthique (respect de la main d’œuvre) et éco-responsable (respect de l’environnement) à la fastfashion. Elle repose sur des circuits courts de production et distribution, avec une fabrication en France ou en Europe.

Mais la slowfashion entend aussi changer les habitudes de consommation du secteur de l’habillement en promouvant la seconde main, la location de vêtements ou encore la réparation. L’idée étant d’inciter les consommateurs à acheter moins de pièces mais des pièces de qualité et de les faire durer dans le temps.

Les raisons environnementales pour se passer de fastfashion

Des matières naturelles gourmandes en pesticide et en eau

L’industrie textile est le 3e secteur le plus consommateur en eau dans le monde et consomme près de 4% de l’eau potable disponible.

La culture du coton, principale fibre naturelle utilisée pour la production textile (40% de la production) constitue le principal poste de dépense en eau de l’industrie de fastfashion. À titre d’exemple, 2700L d’eau sont nécessaires pour produire un T-shirt en coton. Le besoin en eau du coton est tel que les agriculteurs sont contraints de détourner l’eau des rivières, lacs et nappes phréatiques pour irriguer les champs. Rien à voir avec le lin, notre petit chouchou en mode éthique !

Mais ce n’est pas tout. Afin de garantir les rendements, des volumes importants de pesticides sont déversés sur les champs de coton (¼ des pesticides utilisés dans le monde sont dédiés à la culture du coton).

capsule de coton

Des matières synthétiques problématiques

Quand elles ne sont pas confectionnées en coton, la grande majorité des pièces de fastfashion le sont en fibres synthétiques : polyester, acrylique nylon, élasthanne, etc.

Le polyester est la fibre synthétique la plus prisées par les industriels du textile. Près des 2/3 des matières produites pour le secteur textile le sont en polyester et environ 40 millions de tonnes de polyester sont produites chaque année rien que pour l’industrie textile.

Cette fibre est choisie par les industriels en raison de sa robustesse, sa facilité d’entretien mais surtout de son très faible coût. En revanche, quand on s’intéresse au coût environnemental de cette fibre plastique, synthétisée à partir du pétrole, la facture est tout de suite beaucoup plus salée :

  • Sachant qu’environ 1,5kg de pétrole est nécessaire pour fabriquer 1 kg de polyester d’après WWF, on estime que plus de 70 millions de barils de pétrole sont utilisés par an pour fabriquer le polyester nécessaire à l’industrie textile. (En somme, fastfashion = industrie pétrochimique).
  • Le processus de fabrication du polyester est aussi vorace en eau et en énergie (notamment les phases de traitement et teinture)

Aussi, la confection d’un T-shirt en polyester émet 2,5 fois plus de CO2 qu’un T-shirt en coton.

Sans oublier que, lors du passage en machine, ce même T-shirt va rejeter une multitude de microparticules de plastique dans les eaux usées, qui termineront en bout de chaîne dans nos assiettes et l’eau que nous buvons.

Chaque année, près de 500 000 tonnes de micro plastiques finissent dans les océans, dont 31% proviennent des fibres synthétiques.

L’industrie de la fastfashion est polluante

En plus d’émettre de grandes quantités de CO2 (1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an d’après l’ADEME), le processus de fabrication et de teinture des matières synthétiques est à l’origine d’émissions toxiques et du rejet d’agents chimiques nocifs dans les eaux usées, causant la pollution de l’air et des fleuves.

Mais les matières naturelles ne sont pas en reste. Dès la phase de culture, les pesticides utilisés pour améliorer les rendements des champs s’écoulent à travers les nappes phréatiques et les cours d’eau. Puis, les fibres naturelles seront blanchies, traitées, teintes au moyen d’agents chimiques non dégradables.

Même pour fabriquer des matières artificielles biodégradables obtenues à partir de ressources naturelles, des produits chimiques très toxiques comme l’hydroxyde de sodium, l’acide sulfurique et le disulfure de carbone sont employés.

On estime que 20% de la pollution des réserves en eau douce du monde est liée au traitement et à la teinture du textile.

L’impact carbone du transport

En quête de réduction des coûts, les marques n’hésitent pas à éclater le processus de fabrication des vêtements en une multitude d’étapes qui seront sous-traitées à des partenaires dans des pays où les prix pratiqués sont les plus compétitifs.

Il est impossible de tracer précisément le parcours effectué par un habit de fastfashion jusqu’à sa mise en rayon dans nos enseignes en France. La mention « made in » sur l’étiquette ne fait référence qu’au dernier pays où l’habit a été manipulé. Un jean par exemple peut parcourir jusqu’à 65 000km du champ de coton au magasin.

Le transport à toutes les étapes de la chaîne de fabrication et distribution vient donc gonfler les émissions de gaz à effet de serre du secteur. Entre la production et le transport, l’industrie de la mode génère 1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, soit 2% des émissions mondiales (plus que le trafic aérien et maritime réunis !).

Des tonnes de déchets générés par la fastfashion

Environ 130 milliards de vêtements sont vendus par an. C’est plus de deux fois plus qu’en 2000.

Cependant, la plupart des vêtements de fastfashion qui finissent dans nos placards n’y restent que peu de temps. Quand ils ne sont pas remplacés par de nouvelles pièces plus à la mode, ils sont vite usés en raison de leur basse qualité, poussant les consommateurs à renouveler l’acte d’achat.

L’industrie du textile génère ainsi un volume colossal de déchets. En Europe, les déchets textiles équivalent à 4 millions de tonnes par an. Parmi ces déchets, 20% seulement sont réutilisés ou recyclés.

Mais de nombreux vêtements seront jetés avant même d’avoir été un jour portés. Le renouvellement quasiment hebdomadaire des collections implique des volumes importants de produits invendus. Leur stockage étant très onéreux, les entreprises optent plutôt pour l’incinération.

décharge à ciel ouvert

Les raisons sociales pour dire adieu à la fastfashion

Des salaires de misère pour les ouvriers

Dans une logique d’optimisation de la rentabilité, les multinationales de la fastfashion sous-traitent et externalisent leur production dans des pays où le coût de la main d’œuvre est faible. On retrouve ainsi les usines des multinationales de la fastfashion au Vietnam, Bangladesh, Pakistan, Cambodge ou encore en Indonésie.

Dans ces pays, les ouvriers sont rémunérés au salaire minimum légal. Or, celui-ci n’équivaut que très rarement au salaire minimum vital (très bien expliqué par Clean Clothes Campaign dans un rapport de 2019) permettant de couvrir les besoins fondamentaux des ouvriers et ceux de leur famille. Au Bangladesh par exemple, le salaire minimum actuellement en vigueur représente 21% du salaire minimum vital (43% pour l’Indonésie, 36% pour le Cambodge).

Il va sans dire que les ouvriers sont les derniers à récolter le fruit de leur travail. Selon la FairWear foundation par exemple, pour un T-Shirt à 29€, le travailleur ne percevrait que 0,6% du total, soit 0,18€ selon, alors que 59% du prix irait dans les poches des commerçants de détail et 12% dans celles de la marque.

Des mauvaises conditions de travail

En plus de recevoir un salaire de misère, les ouvriers des multinationales de fastfashion exercent dans des pays où le droit du travail est généralement moins regardant en termes de :

  • Niveau de sécurité des lieux de travail : Dans les usines de confections, les accidents, incendies et blessures sont fréquents, comme cela a été mis en lumière avec l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh qui a causé la mort de 100 ouvriers et 2500 blessés. Sans parler du risque élevé d’intoxications et de maladies des travailleurs, résultant de l’émanation de gaz toxiques et de la manipulation des agents chimiques. Ce risque est d’autant plus important que les usines sont peu, voire pas, ventilées.
  • Temps de travail et repos : Les ouvriers de l’habillement en Asie travaillent en moyenne 12h par jour pour un seul jour repos dans la semaine. Cela peut monter jusqu’à 14 – 16h de travail par jour dans certaines usines.
  • Protection sociale, syndicale et sécuritaire de l’emploi.

Tout ça sans parler des cas d’esclavagisme moderne. La situation des Ouïghours dans la région du Xinjiang en Chine est particulièrement saisissante.

1,8 millions de Ouïghours auraient été parqués dans des camps de « rééducation » par le gouvernement chinois et contraints au travail forcé, notamment dans les champs de coton du Xinjiang qui comptent pour 84% de la production chinoise de coton. Or, la Chine est le premier producteur de coton au monde et la moitié des marques de fastfashion se fournissent en coton Chinois, se rendant complice de l’exploitation des Ouïghours.

Les femmes en première ligne

Dans la machine de la fastfashion, les femmes sont en première ligne. Massivement employées dans les usines textiles, elles ne bénéficient pas toujours de conditions de travail dignes des Droits de l’Homme.

Selon l’ONG Human Rights Watch, parmi les 60 millions de femmes ouvrières de l’industrie textile, nombreuses sont par exemple celles qui travaillent depuis leur domicile, échappant alors à la réglementation du droit du travail.

couturière industrielle

Les enfants parfois exploités

Les enfants ne sont pas non plus épargnés par les rouages de l’industrie textile. Ils constituent pour les usines qui les emploient une main d’œuvre corvéable à merci.

Un enfant sur 10 dans le monde travaille pour l’industrie du textile, bien évidemment sans permis de travail et pour un salaire inférieur au salaire minimum.

Des risques sanitaires pour les consommateurs

Au-delà de l’impact environnemental et socio-économique de la fastfashion, les consommateurs en quête de bonnes affaires ne mesurent pas les risques du port de vêtements de fastfashion sur leur propre santé. Le contact de la peau avec les vêtements traités chimiquement peut notamment provoquer :

  • Des allergies et irritations de la peau, des yeux et des voies respiratoires ;
  • Des effets néfastes sur la fertilitéen présence de perturbateurs endocriniens parmi les substances utilisés lors de la confection des habits.

La fastfashion continue à séduire un grand nombre de consommateurs. Mais une prise de conscience grandissante des consommateurs à l’égard des enjeux environnementaux et sociaux posés par l’industrie textile est à l’œuvre depuis ces dernières années.

Selon une étude de l’IPSOS sur les français et la mode durable, près de 2 français sur 3 (65%) affirment que l’engagement des marques et des entreprises en matière de développement durable constitue un critère de choix important au moment de leurs achats mode/habillement. En particulier, les français attendent de la mode durable :

  • Une fabrication respectueuse de l’environnement (60%) ;
  • Une fabrication dans les conditions de travail décentes et des employés justement rémunérés (60%) ;
  • Des vêtements contenant moins de substances toxiques (54%).

Les marques que j’accompagne, comme Bomolet, Blaune ou Beyo, ont fait le choix de la slowfashion pour respecter l’humain et la planète tout en répondant aux attentes des consommateurs.

Créateurs de marques, et si vous faisiez le choix de la mode éthique ?